Une fois n’est pas coutume, les ministres de l’intérieur se sont à nouveau réunis hier sur le sujet brûlant des migrations. Nous n’avons fort heureusement pas assisté à la dramaturgie de la précédente rencontre où, rappelons-le, le mécanisme de relocalisation de 120 000 demandeurs d’asile avait été accepté, mais dans la douleur et dans la division (http://www.social-ecologie.eu/?p=11535). Ainsi, c’est davantage l’apaisement et le consensus qui ont primé hier. Il faut reconnaître que les sujets évoqués remportent en général le soutien de tous : on a parlé de retour et de renforcement de contrôle des frontières extérieures de l’Union…
Sur la gestion des frontières extérieures, les États membres ont notamment appelé à renforcer les missions de Frontex ou à déployer des experts des États membres pour assister les garde-côtes d’un autre État membre. Les eurodéputé-e-s socialistes et radicaux estiment toutefois qu’il faut aller plus loin : une politique migratoire efficace, véritablement commune et véritablement solidaire, passe par une approche globale, cohérente et unifiée des contrôles aux frontières et par un système européen de garde-frontières.
Sur le retour, en revanche, les eurodéputé-e-s socialistes et radicaux estiment qu’il faut aller moins loin. Face à des taux de retour effectifs qu’ils considèrent trop faibles, les ministres préconisent, dans leurs conclusions, une évaluation des outils existants et en particulier de la directive Retour de 2008, une coopération accrue avec les pays d’origine et de transit, ainsi qu’un soutien financier plus important. Jusqu’ici, rien de grave … Mais au-delà de ces considérations générales, les États membres s’aventurent sur un terrain très glissant : le concept de « pays tiers sûr » et la possibilité de développer des capacités d’accueil et des procédures adéquates dans des pays tiers pour les réfugiés et leur famille, en attendant qu’un retour dans leur pays d’origine soit faisable.
Définis dans la directive Procédures d’asile, les « pays tiers sûrs » sont des pays de transit dans lesquels il est considéré qu’un demandeur d’asile aurait pu solliciter une protection et vers lesquels les États membres estiment pouvoir le renvoyer, sans examen de sa demande. Ce concept des pays tiers sûrs est certes défini et encadré dans l’acquis européen de l’asile -dans lequel le principe de non refoulement est fermement rappelé-, mais il a prouvé, dans sa mise en œuvre, ses limites et dangers. C’est ce même concept qui avait permis à l’Italie de considérer la Libye du colonel Kadhafi comme un pays tiers sûr et de signer un accord de réadmission des migrants ! Pour les eurodéputé-e-s socialistes et radicaux, si une politique de retour constitue une pièce incontournable du puzzle migratoire, cela doit se faire en conformité avec les droits fondamentaux et le principe de non refoulement.