Contre toute attente, la Commission Juncker a repoussé à une date indéterminée la présentation d’un texte sur les marges de flexibilité existantes dans la gouvernance économique. Ce report est la marque d’une approche court-termiste et d’un refus d’engager le débat essentiel, celui qui doit conduire à un véritable pilotage de la politique économique et à la fin d’une approche purement bureaucratique et comptable.
C’était pourtant la condition sine qua non d’un véritable plan d’investissements : tant que le dogme des 3% de déficit s’imposera urbi et orbi, les Etats seront dans l’impossibilité de contribuer davantage au pot commun européen, tout préoccupés qu’ils sont à faire rentrer leur budget national dans les clous. La valeur ajoutée européenne n’est de ce fait plus qu’une variable d’ajustement dans des budgets nationaux soumis à l’obéissance à deux chiffres totems. La zone euro a besoin de coordonner les politiques économiques : les socialistes ont été les premiers à exiger un gouvernement économique de l’Union européenne et de la zone euro ; mais la règle seule ne suffit pas et les règles actuelles font chaque jour la preuve de leur échec patent. L’austérité généralisée met en danger les Européens dans leur vie quotidienne, et le projet européen dans son ensemble.
Définir et utiliser les flexibilités prévues par les textes, voilà pourtant la première des priorités pour permettre une véritable relance européenne : le budget européen étant par définition destiné aux investissements, exclure les contributions nationales à ce titre auraient permis de les accroître, et donc de faire ensemble ce qu’isolément nous ne parvenons pas à réaliser. Au lieu de cela, le poison du « juste retour » et du chacun pour soi détricote de l’intérieur le projet européen.
Le constat amer de cette journée, c’est que les faucons de Bruxelles et d’ailleurs ont encore imposé leur vision : en guise de flexibilité, c’est celle du marché du travail qui s’impose. Précarité, mise en concurrence des salariés, flingage en règle du modèle social européen, avec pour corollaire faible croissance, déflation, augmentation du chômage, accroissement de la pauvreté et des inégalités : le constat est pourtant accablant !
La gouvernance économique de l’Union européenne ne doit plus être le fer de lance d’un arsenal de sanctions contre les Etats refusant la saignée sociale. Nous voulons une gouvernance économique qui incite à investir dans l’éducation, la recherche, l’innovation, les services publics, les infrastructures. Nous voulons des investissements de long-terme en faveur d’une politique industrielle commune, créatrice d’emplois. Bref, nous voulons une véritable Union européenne, qui passe nécessairement par une refonte complète de sa gouvernance économique et monétaire.