Aujourd’hui, la Commission spéciale sur l’ingérence étrangère dans l’ensemble des processus démocratiques de l’Union européenne, y compris la désinformation, a adopté son rapport.
« Nous n’avons pas le droit d’être naïfs. Nos démocraties sont régulièrement la cible d’attaques extérieures – principalement de la part de la Russie, de la Chine, mais aussi d’autres pays comme la Turquie – avec l’objectif de nous affaiblir et de déstabiliser nos institutions. Dans ce qui n’est ni une paix véritable, ni une guerre classique, un entre-deux qualifié de guerre hybride, la sécurité des Européens et la souveraineté de l’Union sont menacées en permanence. Notre commission spéciale avait pour mandat de dresser un état de lieux et de formuler une série de recommandations pour y répondre. C’est ce que nous avons fait et le résultat d’un an et demi de travail, c’est ce rapport. » explique Raphaël Glucksmann.
« Les attaques contre nos démocraties prennent des formes diverses, du financement de campagnes ou de partis politiques aux cyber-attaques en passant par une volonté systématique de capture des élites européennes. Un grand nombre d’anciens hauts fonctionnaires et d’acteurs politiques européens de premier plan sont ainsi recrutés par des entreprises étrangères, elles-mêmes contrôlées par des États aux intérêts hostiles à ceux de nos pays. Ainsi, Gerhard Schröder et l’ancien Premier ministre finlandais Paavo Lipponen travaillent-ils pour Gazprom ; l’ancienne ministre autrichienne des affaires étrangères Karin Kneissl est membre du conseil d’administration de Rosneft ou l’ancien commissaire tchèque Štefan Füle ayant travaillé pour CEFC China Energy. En France, nous ne sommes pas exempts : l’ancien Premier ministre François Fillon a été nommé membre du conseil d’administration de Zaroubejneft, quand l’ancien Premier ministre français Jean-Pierre Raffarin promeut partout les intérêts chinois. », détaille l’eurodéputé. « Nous proposons d’interdire le financement d’activités politiques en provenance de l’étranger, quels que soient les moyens utilisés, qu’il s’agisse de dons ou de prêts financiers, via une personne morale ou physique basée à l’étranger, de citoyens prête-noms ou de sociétés-écrans et de renforcer nos législations sur les périodes de latence ou des portes tournantes après avoir exercé des responsabilités importantes pour l’Union » insiste Raphaël Glucksmann.
« Dans les armes utilisées contre nos démocraties, on note les cyberattaques, toujours plus nombreuses et dommageables, par exemple contre l’Agence européenne du médicament ou des structures stratégiques de stockage et d’approvisionnement du vaccin, ou contre des hôpitaux, avec l’objectif de fragiliser notre réponse à la pandémie. C’est également là le but de plusieurs campagnes de manipulation de l’information orchestrées depuis l’étranger, qui en plus de semer le doute sur l’efficacité des vaccins, contribuent à diviser, polariser nos sociétés en visant des minorités spécifiques et des groupes vulnérables, comme les migrants, les personnes LGBTIQ+, etc. Sur ce type d’attaque, la première des règles, c’est d’agir au niveau européen pour renforcer notre arsenal cyber. Enfin, pour être véritablement dissuasive, notre stratégie doit comporter un mécanisme efficace de sanctions contre les commanditaires de ces attaques » ajoute l’eurodéputé.
« Dans cette guerre qui ne dit pas son nom, il convient également de décréter la mobilisation générale et de sensibiliser les citoyens. C’est l’enseignement que nous avons tiré de nos travaux et de nos échanges avec nos partenaires taiwanais notamment. Cela passe par l’éducation aux médias et au numérique, comme par le renforcement de l’esprit critique. Cela ne nous dispensera bien évidemment pas de mettre les plateformes devant leurs responsabilités. Leur business model doit évoluer, le rapport exige plus de transparence des algorithmes et la garantie de pluralisme des informations reçues par les utilisateurs mais appelle aussi à renforcer la réglementation, comme l’Union européenne commence à le faire avec le DSA, en protégeant aussi les données personnelles et en interdisant le micro-ciblage pour la publicité politique. » renchérit Raphaël Glucksmann.
Enfin la commission spéciale INGE aborde la question de l’autonomie stratégique, notamment via la protection des infrastructures critiques et des secteurs stratégiques. « Si le mécanisme de filtrage des investissements directs étrangers dans l’Union est un outil important, il reste largement perfectible : des infrastructures stratégiques – comme la 5G, les data center, dans le domaine de l’énergie – doivent être protégées » conclut l’eurodéputé.
« Nous sommes convaincus que ces menaces, fortes et réelles, sont l’occasion de rendre nos démocraties plus solides, plus fortes et plus vivantes. C’est notamment pour cette raison que nous appelons à la poursuite des travaux de la commission spéciale INGE » concluent les membres de la délégation de la gauche sociale et écologique.