Sylvie Guillaume, rapporteure. − Monsieur le Président, c’est, moi aussi, avec une certaine émotion que j’aborde le débat aujourd’hui. Cela fait en effet plus de deux années que nous travaillons au sein du Parlement de manière à la fois acharnée et offensive à la création d’un Fonds « Asile, migration et intégration ».

 

Je m’associe à cet égard aux propos qui ont été formulés par mon prédécesseur, en remerciement à l’égard des rapporteurs fictifs qui nous ont accompagnés et de l’équipe de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures, qui nous a également accompagnés tout au long de ce travail.

 

À l’issue des négociations sur le Fonds « Asile, migration et intégration », nous pouvons dire qu’avec ce nouvel instrument financier, l’Union européenne et ses États membres sont dûment équipés pour répondre de manière aussi bien solidaire que responsable aux défis de plus en plus transnationaux auxquels l’Europe continuera d’être confrontée au cours des sept prochaines années.

 

Lors de l’élaboration du cadre financier pluriannuel pour la période 2014-2020, en matière de politiques relatives aux affaires intérieures, il était indispensable de mener un intense travail de simplification des anciens instruments de dépenses et d’œuvrer dans le sens d’une plus grande flexibilité, notamment pour répondre aux questions d’urgence.

 

L’expérience a en effet montré que, du fait de leur diversité et de leur fragmentation, les règles qui régissent les programmes de dépenses avaient souvent été perçues comme inutilement complexes et difficiles à mettre en œuvre et à contrôler. Créer des fonds européens pour l’asile et l’intégration des migrants est une bonne idée, encore faut-il pouvoir y avoir accès! De nombreuses organisations non gouvernementales ont par exemple fait valoir que les retards dans les procédures de paiement les ont mises en difficulté, les obligeant souvent à contracter des crédits auprès des banques ou bien, pire encore, à mettre la clef sous la porte.

 

J’ai donc accueilli très favorablement la nouvelle dynamique de simplification et de rationalisation suggérée par la Commission dans sa proposition de novembre 2011.

 

Le Fonds « Asile, migration et intégration » s’appuie ainsi sur les trois instruments financiers de la période précédente: le Fonds européen pour les réfugiés, le Fonds européen d’intégration et le Fonds européen pour le retour. Parmi ses objectifs stratégiques, le nouveau fonds contribuera à renforcer le régime d’asile européen, à favoriser la migration légale dans l’Union, à promouvoir des stratégies de retour équitables et à approfondir la solidarité et le partage des responsabilités entre les États membres.

 

Dans le cadre de ces objectifs, le fonds comporte désormais également une dimension extérieure, permettant de financer des actions menées dans les pays tiers ou les concernant.

 

En revanche, si elle est positive, cette quête de simplification et d’adaptabilité était également source d’interrogations.

 

Dès lors qu’elles sont désormais regroupées dans un instrument unique, comment s’assurer que les États membres ne privilégieraient pas davantage les activités de retour par rapport à celles liées à l’asile ou à l’intégration?

 

Comment permettre également une participation effective de toutes les parties prenantes, entre autres les autorités locales et régionales, ainsi que la société civile, à la programmation, à la mise en œuvre et à l’évaluation des différentes activités menées?

 

Comment mettre en place un mécanisme d’évaluation rigoureux pour s’assurer que les financements européens sont utilisés de manière appropriée et transparente, alors même que les États membres n’avaient pas défini d’objectifs ou d’indicateurs appropriés pour leur programme annuel?

 

Enfin, encore une série d’interrogations: lorsqu’il sera désormais possible de financer des actions à l’extérieur de l’Union, comment veiller à la cohérence de ces actions avec d’autres politiques européennes, notamment de développement, et comment éviter que les États ne soient tentés par une politique du bâton et de la carotte qui subordonnerait en quelque sorte l’aide au développement aux efforts des pays étrangers en matière de retour et de contrôle aux frontières?

 

Faisant écho aux inquiétudes soulevées, nous sommes parvenus, au Parlement, au terme d’une négociation intense, à obtenir une répartition juste et transparente des financements entre les différents objectifs du fonds, en prévoyant qu’un pourcentage minimum des ressources soit alloué respectivement aux politiques d’asile et d’intégration.

 

Ainsi, sur les 2,4 milliards d’euros que les États membres se partageront pour financer leur programme annuel, au moins 20 % devront être alloués pour favoriser la migration légale et promouvoir l’intégration effective des migrants et au moins 20 % supplémentaires devront financer les mesures liées à l’asile.

 

Les ONG et les organisations internationales concernées dans le cadre des partenariats participeront au développement et à la mise en œuvre du fonds et du suivi au niveau national.

 

Nous avons obtenu le renforcement d’une approche axée sur les résultats, qui ne se contentera pas d’avoir une vision comptable des actions menées, mais qui privilégiera également une évaluation qualitative de leurs réalisations.

 

J’ai évidemment quelques regrets, puisque nous ne sommes pas parvenus à renforcer la solidarité en matière d’asile, qu’elle s’exerce à l’égard des pays tiers ou entre les États membres, et ainsi, par exemple, nous n’avons pas réussi à mettre en œuvre les instruments disponibles, tels que présents dans les traités, par exemple, l’article 80 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, afin de garantir davantage de mesures de solidarité à l’avenir. C’est un regret pour lequel nous n’avons pas trouvé de solution dans nos discussions.

 

Sylvie Guillaume, rapporteur. − Monsieur le Président, j’ai entendu à plusieurs reprises la question de la solidarité mentionnée dans ce débat et je reviens sur mon regret de tout à l’heure de ne pas avoir vu dans ce texte l’intégration de l’article 80 comme base juridique additionnelle. Je pense que cela aurait été justifié. De la même manière, mon regret est aussi de ne pas avoir vu les coupes budgétaires porter exclusivement sur la partie européenne. Je crois que, en termes de solidarité, cela aurait eu un sens que ce soit mieux réparti.

Nous disposons maintenant d’une boîte à outils complète et opérationnelle pour transformer l’essai et mener une politique à la fois globale et novatrice sur les questions migratoires, de manière à trancher aussi sur des politiques qui ont souvent été morcelées en la matière.

Tout va dépendre maintenant de plusieurs choses: la manière dont les États vont mettre en œuvre ce fonds et dont la Commission va contrôler le financement des activités qui répondent réellement aux objectifs stratégiques de l’Union.

Le Parlement sera vigilant, vous pouvez en être sûrs. Nous demanderons une information pleine et entière du suivi de l’application de ce Fonds. Nous serons particulièrement attentifs à plusieurs enjeux: la sépartition des dépenses évidemment – j’y ai fait allusion tout à l’heure –, la valeur ajoutée que génère la mise en œuvre de ces activités, l’amélioration de l’accès aux financements pour les bénéficiaires ainsi que, je l’ajoute à ce stade, la suppression de toute bureaucratie inutile.

Je crois que nous devons apprécier et appréhender les questions migratoires avec pragmatisme et avoir le courage politique de mettre en œuvre une approche européenne réellement intégrée, s’attaquant aussi bien aux symptômes qu’aux causes profondes du phénomène et qui ne passe pas non plus sous silence l’intégration dans les sociétés d’accueil. Merci pour le travail collectif.