Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire,

chers collègues, je voudrais moi aussi commencer par remercier les collègues de la commission du commerce international et, en particulier, les rapporteurs fictifs des différents groupes pour leur coopération dans l’élaboration de ce troisième rapport sur un sujet voisin, et qui nous permet de présenter aujourd’hui un ensemble de propositions novatrices et concrètes pour faire avancer la responsabilité sociale des entreprises, dans le cadre de la politique commerciale de l’Union européenne.

Après la crise internationale, les dégâts économiques et sociaux qu’elle a provoqués, mais aussi les débats qu’elle a suscités, les attentes des citoyens et les attentes politiques qui se sont exprimées pour en tirer les leçons, notre conviction commune est que la politique commerciale de l’Europe doit plus que jamais contribuer aux objectifs de régulation de la mondialisation, et tout particulièrement à ses objectifs sociaux et environnementaux.

Cette régulation concerne les États et leurs économies, mais évidemment, les principaux acteurs économiques sont les entreprises et, en particulier, les entreprises multinationales, qui sont les principales actrices du commerce mondial. Elles ont profité plus que tout autre de l’ouverture des marchés, non seulement pour accéder à des consommateurs, mais aussi pour externaliser une partie de leur production et diversifier leur chaîne d’approvisionnement, souvent à partir de pays à bas coûts de production et, surtout, avec des règles sociales et environnementales moins strictes.

La libéralisation du commerce s’est accompagnée d’une féroce compétition entre les pays pour attirer les investisseurs étrangers et d’une intensification de la concurrence entre les entreprises, et cela a trop souvent conduit à des abus intolérables en matière de conditions de travail, de violation des droits humains et d’atteinte à l’environnement.

De la catastrophe de Bhopal, dans la filiale d’une multinationale de la chimie en Inde, faisant des milliers de victimes, dans l’impunité encore aujourd’hui de la maison-mère, jusqu’au comportement des compagnies pétrolières ou d’extraction en Afrique, en Birmanie, dans beaucoup d’autres pays, détruisant leur environnement, réduisant leurs travailleurs au rang d’esclaves, du travail des enfants dans des usines textiles en Asie aux assassinats de syndicalistes dans les exploitations agricoles en Amérique centrale, les exemples sont légion. Et ils sont d’autant plus inacceptables qu’ils concernent souvent des entreprises venant de pays industrialisés, leurs filiales, leur chaîne d’approvisionnement, y compris des entreprises européennes.

De là est né, il y a déjà de nombreuses années, un débat et un combat, relayés d’ailleurs à plusieurs reprises au sein de ce Parlement par l’adoption de résolutions, sur la responsabilité sociale et environnementale des entreprises. Jusqu’ici, les avancées de la RSE n’ont pas rencontré le débat sur les normes sociales dans les accords de commerce, sujet du rapport de Mme Saïfi. C’est à la fois compréhensible, parce que les accords de commerce concernent des règles juridiques contraignantes entre les États alors que la responsabilité sociale des entreprises concerne des engagements volontaires des entreprises, mais en même temps, c’est paradoxal, parce que la RSE et les clauses sociales et environnementales poussent dans la même direction, c’est-à-dire celle d’une mondialisation plus conforme aux droits humains, à l’environnement et au développement durable.

Nous proposons donc d’introduire la RSE dans les accords de commerce et, concrètement, d’introduire une clause de responsabilité sociale des entreprises dans les chapitres sur le développement durable, en particulier des ALE, avec un certain nombre d’engagements clairs et vérifiables des entreprises. D’abord, il faut qu’il y ait un engagement réciproque de l’Union européenne et de ses partenaires à encourager les entreprises à prendre des engagements et à les vérifier: ouverture de points de contacts, pour que les informations puissent être disponibles, mais aussi pour que les témoignages, notamment des syndicalistes et de la société civile, puissent être apportés; obligation de publication régulière de bilans et de transparence; obligation de reporting; obligation de diligence des entreprises à prendre des mesures préventives.

Monsieur le Président, vous voyez, il me restait deux minutes. Vous le saviez, donc si vous aviez un problème de temps, tout à l’heure, vous pouviez le décompter sur cette partie de mon intervention, qui pouvait être plus courte. Je voudrais surtout remercier les collègues et remercier le commissaire pour sa réponse.

Ce qui a été frappant dans ce débat, c’est le consensus très large par-delà les différences entre les groupes. Il reste des nuances pour demander que, vraiment, on prenne plus encore en compte, dans la politique commerciale, dans les accords que nous négocions, la dimension sociale et la dimension environnementale.

Au moment où vous m’avez interrompu pour votre très intéressante intervention, qui aura dû passionner, j’en suis certain, nos concitoyens dans toute l’Union, je voulais notamment évoquer un point que le commissaire lui-même à évoqué: c’est que la responsabilité sociale des entreprises – il a parfaitement raison – ne peut pas remplacer le respect de la loi et les responsabilités des États.

Par ailleurs, M. De Gucht a également raison de dire qu’en ce moment, au sein de l’OCDE, mais aussi à l’ONU avec le rapport Ruggie qui a été évoqué par notre collègue Howitt, de nouvelles avancées sont proposées en matière de responsabilité des entreprises multinationales: dans le domaine de l’extraction, mais aussi dans beaucoup d’autres domaines de responsabilité – notamment vis-à-vis de leurs filiales à l’étranger – dans leurs sphères d’influence, ou dans toute leur chaîne d’approvisionnement. La coopération judiciaire va également permettre de faire en sorte qu’une maison-mère ne puisse pas échapper à ses responsabilités par rapport à l’action de l’une de ses filiales ou d’une entreprise sous-traitante quand elle a commis des violations des règles environnementales ou des règles sociales. Tout cela est absolument décisif.

Je crois simplement qu’il faut que nous trouvions l’articulation, même si je reconnais que ce sera difficile, avec les accords de commerce internationaux. Il y a déjà de toutes petites mentions de la RSE dans l’accord avec la Corée ou dans les accords avec des pays d’Amérique latine. Je crois qu’à partir du dialogue que nous avons entamé aujourd’hui avec la Commission, nous devons continuer à faire en sorte qu’il y ait une cohérence entre nos objectifs en matière de RSE et nos objectifs en matière de développement durable dans les accords de commerce internationaux.