Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire,
tout d’abord je m’interroge quand même un instant sur notre programmation et sur notre capacité à organiser nos débats. Je suis très contente de cohabiter dans ce débat avec toutes ces initiatives du Parlement européen, mais j’ai l’impression d’être, comme nous le disons en bon français, dans un « melting pot » dont je ne suis pas sûre qu’il définisse exactement ce qu’est la vision du Parlement européen sur la stratégie 2020. Mais peut-être suis-je trop exigeante.
En revanche, j’espère, Monsieur le Président, que vous partagez avec moi une inquiétude car, en notre nom à tous, vous avez saisi le président Herman von Rompuy, le 10 mai dernier, d’une demande extrêmement importante qui est la suivante.
S’agissant de l’adoption des lignes directrices emploi, cette année, exceptionnellement si j’ose dire, dans le cadre d’un partenariat privilégié entre la Commission et le Parlement européen, et dans un esprit de bonne coopération avec le Conseil, compte tenu du calendrier un peu décalé – normalement les lignes directrices emploi sont publiées à la fin de l’année précédente; cette année, elles ont été publiées à la fin du mois d’avril et nous devrons délibérer sur celles-ci, alors qu’elles nous engagent dans un cycle long pour les années à venir, avant le Conseil européen de printemps – vous aviez bien voulu soutenir, en notre nom à tous, la demande que nous avons adressée au Président Herman von Rompuy pour que le Conseil européen laisse au Parlement européen le droit d’exercer ses pouvoirs, au nom même du traité de Lisbonne.
Or, manifestement, ni la Commission, ni le Conseil n’ont aucune intention de tenir compte de cette demande et entendent donc consciemment violer le traité. Je pense que les autorités de cette maison devront prendre leurs responsabilités et en tirer les conséquences.
Sur l’enjeu de ces lignes directrices emploi, qui seront un élément de mise en œuvre de la stratégie 2020, comment ne pas attirer l’attention des autorités sur l’importance qu’elles revêtent à un moment où 17 % des Européens sont en dessous du seuil de pauvreté, sur la base de chiffres de 2007, je le rappelle toujours, c’est-à-dire avant même le déclenchement de la crise, et où 23 millions de nos compatriotes vont se retrouver au chômage.
Une grande inquiétude règne au sein de la commission de l’emploi et des affaires sociales sur deux points. Tout d’abord sur l’objectif de lutte contre la pauvreté, je crois qu’à l’initiative du commissaire László Andor, cet objectif a été inscrit dans la stratégie 2020, et nous nous en réjouissons. Nous ne comprenons pas comment ce point fait l’objet de discussions, d’hésitations, de mises en cause des compétences de l’Union au sein du Conseil, alors même que la lecture claire du traité indique qu’il s’agit d’un domaine où l’Union européenne a aussi des responsabilités.
Et puis, l’autre inquiétude porte sur l’articulation et la cohérence entre les différentes politiques car, dans cette stratégie 2020, on le voit, la Commission nous dit qu’elle a fondamentalement changé les choses, puisqu’elle a réduit le nombre d’objectifs.
Je crois que le changement fondamental ne peut pas se réduire à une réduction des objectifs. En revanche, ce dont nous sommes convaincus, c’est que cette stratégie 2020 doit tenir compte de la réalité de la situation au sein de l’Union européenne. Et, dans cette situation, ceux qui, aujourd’hui, souffrent le plus de la crise, ceux qui vont être le plus durement frappés par la crise, c’est ceux qui font la richesse même de l’Union européenne.
Or, nous voyons ici ou là se développer des débats qui risqueraient de se retourner contre l’intérêt même des Européens puisqu’ils conduiraient à diminuer l’investissement là où il est le plus nécessaire, c’est-à-dire dans notre capital à long terme: l’éducation, la formation, la santé.
C’est face à cet enjeu que la commission de l’emploi et des affaires sociales appelle les autorités à faire attention à la façon dont les investissements publics pourraient être diminués dans ces domaines, alors même que la faiblesse de la croissance, que la faiblesse de l’initiative de l’investissement privé ne permettent pas d’assurer le relais et donc la reconstruction des finances publiques dans l’immédiat.
Il y a là une question de calendrier qui nous semble tout à fait déterminante, et nous ne pouvons que regretter que les ministres des affaires économiques et monétaires aient pu plaider pour un retrait des mesures non conventionnelles de soutien à l’emploi et à la lutte contre le chômage, alors même que les ministres des affaires sociales n’avaient pas été consultés dans un contexte où nous savons le caractère dramatique d’une situation de l’emploi et des affaires sociales dans notre Union européenne.