Monsieur le Président, mes chers collègues,

le rapport de Sven Giegold revêt une importance particulière dans le débat macroéconomique actuel. Ce rapport est d’autant plus pertinent que son auteur est un député allemand, qui voulait attirer l’attention des Européens sur les effets pervers, pour les pays de la zone euro, de la stratégie allemande de compression des coûts salariaux en régime de monnaie unique.

Le gouvernement allemand est en effet en passe d’entraîner la zone euro et l’Union européenne tout entière dans une déflation salariale généralisée aux conséquences macroéconomiques dommageables. En particulier, en l’absence de fonds structurels conséquents et de ressources budgétaires suffisantes, et placés dans l’impossibilité de dévaluer, les États dont les balances courantes sont déficitaires sont condamnés, pour résister, à comprimer leurs salaires et réduire le périmètre de leurs systèmes de protection sociale.
Il en résulte en premier lieu un ralentissement de la demande intérieure conduisant à une croissance négative dès le deuxième trimestre 2008, avant même le déclenchement de la crise de liquidités. On assiste en deuxième lieu à une montée de l’endettement privé des ménages à revenus modestes et moyens, dont le pouvoir d’achat a cessé de progresser. Leur endettement pour acquérir des logements fut alimenté par toute la machinerie financière déréglementée, en Espagne, au Royaume-Uni et en Irlande, avec les conséquences désastreuses que l’on a observées lors de la crise des subprimes.
Mes chers collègues, à écouter les débats en commission, un nombre important de députés tendent à oublier les enseignements de cette crise. Cette crise est loin d’être derrière nous. La reprise actuelle est d’autant plus fragile que l’Europe persévère dans la déflation salariale et que la Commission, mais aussi le président de l’Eurogroupe et le président de la Banque centrale européenne – que nous avons auditionné lundi – invitent les États membres à adopter prématurément des politiques de sortie assimilables à de véritables plans d’austérité.
Ces politiques risquent de tuer dans l’œuf la croissance, redevenue à peine positive, alors que les taux d’utilisation des capacités de production restent bas. Ces politiques échoueront en Grèce, en Espagne et ailleurs à réduire les déficits, car les rentrées fiscales escomptées feront défaut. Elles aggraveront le chômage et attiseront les tensions sociales.
Le rapport Giegold a le mérite d’attirer l’attention sur certains de ces déséquilibres macroéconomiques. La version finale, amendée par le PPE et les libéraux, refuse malheureusement de condamner la déflation salariale. Mais dans l’ensemble, le débat ouvert par Sven Giegold peut être salutaire à l’heure où les dogmes néolibéraux mis en doute par la crise reviennent en force dans cet hémicycle, au Conseil et à la Commission.