Madame la Présidente, Monsieur le Commissaire, chers collègues,

l’Europe traverse aujourd’hui une crise sans précédent qui, au-delà de la crise économique et financière, constitue d’abord une crise du système.

Avant même de commencer à traiter des effets de la crise économique sur le commerce mondial, ce qui constitue le thème de notre débat, je souhaite éclaircir un point: le commerce n’est pas une victime de la crise, il en est aussi l’un des éléments constitutifs.

En effet, nous vivons actuellement une période de grands déséquilibres mondiaux, nourris d’un côté par les déficits commerciaux excessifs de certains pays au prix d’un endettement interne croissant, et de l’autre par des excédents commerciaux tirés par les exportations de certains pays, notamment émergents, avec une consommation interne qui ne croît pas au même rythme.

En outre, la politique de libéralisation des échanges conduite jusqu’à présent n’a fait qu’accentuer ces déséquilibres, affaiblissant en particulier les pays les plus pauvres de la planète. Ces derniers, incités à se spécialiser dans des monocultures d’exportation, se sont ainsi retrouvés dépourvus face aux variations extrêmes des cours des matières premières, dont la volatilité a été accentuée par la spéculation internationale.

Drôle de monde que celui qui fixe comme premier objectif du Millénaire pour le développement l’éradication de la pauvreté et de la faim mais qui, en parallèle, spécule sur la hausse du prix du blé.

Mais aujourd’hui, ceux-là mêmes qui défendaient la libéralisation et la dérégulation à tout prix dans les années 1990 se retrouvent eux aussi dans une situation difficile. Les pertes d’emploi en constante augmentation, la croissance stagnante, voire parfois négative, la crise sociale qui se développe sont autant d’éléments qui font qu’on ne peut plus se permettre de laisser disparaître des emplois au nom de ce culte. En période de crise, comment expliquer à des salariés qui perdent leur emploi que l’essentiel est de maintenir un commerce dérégulé, même au prix de délocalisations brutales et parfois tragiques?

La crise que nous traversons est donc bien une crise systémique, à laquelle il faut répondre par un nouveau modèle de développement. Dans sa stratégie actuelle Global Europe, la vision développée par la Commission est essentiellement axée sur l’accès au marché et la libéralisation de tous les secteurs.

Monsieur le Commissaire, je crois qu’il nous faut redéfinir cette stratégie qui a fait fausse route et conduit parfois à des échecs. Ce n’est pas en forçant encore davantage l’ouverture des pays en développement que nous relancerons les exportations de nos industries. Cela ne ferait qu’aggraver la situation de ces pays, qui recueillent déjà 70 % des 59 millions de personnes ayant perdu leur emploi dans le monde en 2009.

Au contraire, il est essentiel de réfléchir à une nouvelle stratégie trouvant le juste équilibre entre ouverture, protection et accompagnement. J’aimerais revenir sur ces notions. On ne peut ignorer ces évolutions, qui font que les États-Unis usent davantage de leur instrument de défense commerciale ou que la Chine conteste à l’OMC les mesures antidumping européennes.

De fait, quand nous avons affaire à des pratiques déloyales, il est évident que la protection est nécessaire, mais son principe doit être assumé et défendu internationalement en écartant, une bonne fois pour toutes, les accusations parfois trompeuses du protectionnisme.

Par ailleurs, l’accompagnement des politiques commerciales devient chaque jour un besoin plus criant, et cela passe notamment par une véritable cohérence des politiques menées par l’Union. La cohérence des politiques n’est pas un débat d’intellectuels, mais une nécessité absolue si nous souhaitons redéfinir un nouveau modèle de développement.