Le monde compte 175 millions de migrants, soit 3% de la population mondiale; un chiffre qui a presque triplé en 40 ans.

Chaque jour, des milliers d’africains sont poussés par la pauvreté et le désespoir. Côté européen, une seule réponse: la multiplication des contrôles et des patrouilles, poussant les candidats au départ à prendre toujours plus de risques.

Cette politique migratoire de l’Union repose sur une double illusion: l’illusion que nous pouvons rendre les frontières étanches, et l’illusion que les migrations s’expliquent par la seule pauvreté. Cette vision unilatérale apparaît clairement aujourd’hui dans les discours et les politiques « d’immigration choisie » en Europe.

Immigration choisie pour le Nord, immigration toujours plus subie par le Sud…

« Derrière ces discours en trompe-l’œil, c’est la poursuite du « pilage des cerveaux » qui est à l’œuvre, version moderne de la traite des esclaves », a dit la députée socialiste française Marie-Arlette Carlotti.

C’est donc une autre logique que l’Union doit faire prévaloir, pour que les migrations deviennent un levier du développement, dans une approche partenariale Nord/Sud. Marie-Arlette Carlotti, vice-présidente de l’assemblée parlementaire mixte ACP et membre de la commission développement au Parlement européen, a souhaité lancer des pistes de réflexion et d’action pour une nouvelle approche européenne sur les migrations.

C’est l’objet du rapport d’initiative sur le développement et les migrations, adopté à une très large majorité par le Parlement européen le 6 juin 2006 à Strasbourg.

Il formule des propositions concrètes, recommande des outils innovants pour faire des migrations un levier du développement :

1 – Investir dans l’éducation et la formation, au Sud comme au Nord, en y consacrant 20% des crédits « développement » à l’éducation et la santé, contre 5% aujourd’hui.

2 – Prendre « le mal à la racine » et agir là où sont les migrants et sur les lieux où commence la migration :

– en ciblant les principales zones d’immigrations pour y financer, par un appui budgétaire massif, l’installation d’infrastructures (eau potable, routes, centre de soins, écoles…) afin de retenir les populations démunies,

– en identifiant des « pôles migratoires » pour y développer des actions ciblées sur les migrants les plus vulnérables et les aider à se réaliser autrement que par la mobilité.

3 – Miser sur le potentiel que constituent les communautés de migrants dans les pays riches, au service du développement de leur pays d’origine :

– en rendant les transferts de fonds des migrants plus sûrs et moins chers, et en les orientant vers des investissements favorisant le développement dans les pays d’origine,

– en lançant des produits financiers adaptés et novateurs tel que le « plan épargne-développement »,

– en mettant en place des politiques innovantes : prise en charge du différentiel de salaire pour certains migrants qualifiés choisissant de rentrer dans leur pays, et dispositif de « doubles chaires » en partenariat entre universités ou instituts de recherche.

4 – Passer de la « fuite des cerveaux » à la « circulation » des cerveaux :

– en encourageant les migrations « circulaires par un assouplissement de la politique des visas des Etats membres pour faciliter les « allers-retours » entre pays d’origine et de destination,

– en favorisant des accords bilatéraux ou multilatéraux visant à garantir le transfert des prestations sociales que le migrant pourrait toucher dans son pays d’origine.

5 – Promouvoir le « travail décent », car avec la garantie d’y trouver un emploi correct, chacun préfère « vivre et travailler au pays ».

6 – Mieux utiliser les outils existants, et les recentrer vers les seuls objectifs du développement, plutôt que sur des actions de protection des frontières. Ce sont :

– le programme AENEAS qui permet de financer des projets portant sur les migrations dans le cadre des relations avec les pays tiers,

– la « facilité ACP-UE sur les migrations » qui doit être mise en place fin 2006.

« C’est une nouvelle logique que l’Union doit défendre dès septembre devant l’ONU qui abordera pour la première fois la question du développement et de la migration au plus haut niveau« , a souligné Marie-Arlette Carlotti.

Strasbourg, le 6 juillet 2006