Guillaume Balas, rapporteur. – Madame la Présidente, on le dit tout le temps, l’Europe est en crise et nous savons qu’une des raisons de cette crise, c’est que nous avons un marché unique, la liberté des services, des capitaux, des personnes qui peuvent circuler, mais que nous avons des systèmes sociaux complètement différents et nous savons que là s’introduit le dumping social.
Longtemps, il n’a pas été possible de définir ce qu’était le dumping social et nous sommes maintenant arrivés à un accord pour dire qu’il y avait un ensemble de pratiques illégales et abusives qui a mené à remettre en cause profondément la dignité des travailleurs. Dignité quand on est logé de manière abjecte, quand on n’est pas payé pour le travail qu’on a effectué, quand on travaille toute la journée ou toute la semaine et qu’on ne respecte pas les temps de repos.
Mais c’est aussi un problème financier et budgétaire, car le dumping social enlève des ressources à nos systèmes de protection sociale et fait que ceux-ci s’appauvrissent de jour en jour. Enfin, c’est un problème économique, car il tend à affaiblir les revenus du travail, on le sait, et évidemment à pousser à une tendance déflationniste.
J’ajouterais que c’est un énorme problème politique et que les citoyens européens, considérant que l’Europe ne les protège pas mais, au contraire, les fragilise en acceptant ces pratiques de dumping social, sont de plus en plus sceptiques ou même se retournent contre l’Europe en décidant qu’il faut voter pour des partis qui veulent aujourd’hui la détruire, que de nombreux États aujourd’hui commencent à dire qu’il faut remettre en cause le marché intérieur et remettre en cause les directives existantes, parfois même de manière unilatérale.
Comment y répondre? Évidemment, ce rapport n’est qu’une pierre, mais une pierre qui apparaît quand même nécessaire et importante. Tout d’abord en appliquant les législations existantes. Pour cela, il faut augmenter les moyens de contrôle, il faut faire en sorte qu’il y ait des coopérations au niveau européen pour permettre à des inspecteurs du travail de travailler ensemble, d’en avoir les moyens en matière de traduction. Il importe de mettre en place de véritables coopérations transfrontalières qui permettent de lutter aujourd’hui contre les entreprises qui dérivent.
Il faut améliorer aussi les législations existantes et c’est pour cela, notamment, qu’il faut un certain nombre de mesures, par exemple pour lutter contre ces célèbres sociétés boîtes aux lettres qui n’existent pas, ou existent à un moment pour disparaître juste après. Ces entreprises doivent avoir une vraie activité pour pouvoir aujourd’hui employer des gens, les détacher, par exemple, dans un autre pays.
Il faut une agence de transport pour la route et c’est très important, car comment lutter aujourd’hui contre le dumping social dans le domaine routier s’il n’y a pas d’instruments au niveau européen pour le faire? Il faut une liste noire pour que les entreprises qui ont gravement fauté, qui ont gravement contrevenu à la législation européenne et nationale ne puissent pas prétendre aujourd’hui à des marchés qu’il serait bien dangereux de leur attribuer.
Il faut enfin enregistrer, par exemple, les déclarations de détachement dans un registre européen, ne serait-ce que cela, pour que nous puissions savoir exactement qui est détaché et à quel moment.
Enfin, il faut travailler à la convergence sociale. En effet, il y a des mesures spécifiques à prendre, par exemple au niveau européen, sur la condition des femmes, qui sont souvent les premières victimes du détachement frauduleux ou même de l’exploitation abusive.
Il faut aussi travailler sur la question des salaires et, si nous savons bien qu’un salaire unique minimal est impossible aujourd’hui en Europe et même pas souhaitable, un salaire minimum national qui s’élèverait à environ 60 % du salaire moyen serait évidemment un progrès très important.
Je veux terminer en vous disant une chose. Ces discussions ont duré trente heures. Elles ont permis de dépasser les clivages, de rassembler les forces de progrès pour travailler ensemble, mais aussi les clivages politiques au sein de cette Assemblée. Elles ont permis de dépasser aussi les clivages géographiques entre le Nord, le Sud, l’Est et l’Ouest. Il faut maintenant faire en sorte que le Parlement européen soutienne cette proposition de lutte contre le dumping social.
Guillaume Balas conclut le débat sur son rapport contre le dumping social
Guillaume Balas, rapporteur. – Madame la Présidente, Madame la Commissaire, vous avez entendu M. Briois tout à l’heure, du Front national. Il a exposé la vraie alternative si jamais nous ne faisons rien, c’est-à-dire – c’est simple – la fin de l’Union européenne, la fin du marché intérieur, la fin des directives, la remise en place des frontières nationales, la fin de la libre circulation. Il est clair et il compte sur nous pour échouer. Il pense que nous allons échouer, parce qu’il pense que nous sommes trop divisés aujourd’hui pour lui répondre.
Je crois que le travail qui a été fait et qui a abouti à ce qu’en commission affaires sociales et emploi, la majorité des groupes votent ce compromis est la meilleure réponse que nous pouvons lui faire à lui, mais surtout aux citoyens européens qui ainsi verront que l’Europe ne reste pas fossilisée, mais bouge pour les défendre, eux, que l’Europe n’est pas un problème, mais qu’enfin elle devient la solution.
Pour cela, je voudrais dire, Monsieur Lenaers, que non, ce rapport n’est pas là pour réaliser les rêves des socialistes. Vous savez, je suis socialiste et pas un mou, mais Mme Jazłowiecka n’est pas socialiste et elle n’est pas molle non plus. Je peux vous assurer que nous avons dû accepter, nous socialistes, nous la gauche, beaucoup de compromis que nous ne voulions pas au début et que le PPE a eu beaucoup de victoires dans ce rapport, qu’il n’a pas été facile de faire accepter à gauche. Ce n’est donc pas un rapport socialiste, loin de là.
D’ailleurs, je tiens à rappeler que les seuls éléments relatifs à la directive 96, la directive source, ne font que rappeler les propositions de la commissaire Thyssen, sans même les juger. Il n’y a donc pas d’avis sur la question de la directive 96, puisqu’on sait que c’est un débat qui viendra plus tard. Quand on parle de détachement des travailleurs, il s’agit de l’application de la législation existante et, notamment, de la question des contrôles.
Je termine en disant que je suis d’accord avec M. Casa. Il y a eu un travail long, difficile, passionnant, où j’ai rencontré notamment des rapporteurs fictifs passionnants. Il faut respecter l’équilibre qui a été trouvé, mais tout l’équilibre qui a été trouvé. Ainsi, nous pourrons répondre à nos concitoyens de manière utile.
Intervention de Guillaume Balas à l’issue du vote de son rapport contre le dumping social
Guillaume Balas, rapporteur. – Monsieur le Président, je veux parler du vote sur le rapport qui vient d’avoir lieu, j’en suis le rapporteur. Je voulais tout simplement remercier les rapporteurs fictifs pour le travail, long et pénible mais excellent, que nous avons fait et dire simplement une chose: par la voix de son Parlement, l’Europe affirme qu’elle veut du progrès social, alors maintenant il faut que l’Europe fasse ce qu’il faut pour y parvenir.