Eric Andrieu, rapporteur. – Madame la Présidente, Monsieur le Commissaire, c’est la première fois en 54 ans que le sujet de l’emploi et de la PAC est directement abordé.

Nous sommes en plein paradoxe: le budget de la politique agricole commune représente pratiquement 40 % du budget de l’Union européenne et l’emploi est à l’aube de nos priorités, la première que nous avons actée au sein des instances de l’Union européenne.

Depuis plus de 50 ans, la politique agricole commune a modélisé l’agriculture en l’orientant vers l’intensification de sa ou ses productions vers les marchés internationaux et en développant les exploitations de plus en plus concentrées et spécialisées. Ces choix ont été marqués par un accroissement spectaculaire de la productivité du travail, qui a eu un impact considérable sur l’emploi agricole. En 1957, dans une Europe à six, les agriculteurs représentaient 20 % des actifs à l’échelle de l’Union européenne. Ils ne sont plus aujourd’hui que 4 % dans une Union à vingt-huit. Ces dix dernières années, nous avons perdu un quart de nos exploitations agricoles. Si nous poursuivons cette politique, nous ne pourrons pas attirer les jeunes dans les années à venir.

Par ailleurs, avec le temps, la PAC a peu à peu perdu de sa légitimité. Aujourd’hui, elle ne répond plus aux besoins des agriculteurs et elle est contestée par l’ensemble de nos citoyens européens. Les éléments qui ont longtemps structuré la politique agricole commune ne sont plus adaptés aujourd’hui, et le choix libéral appliqué à cette politique depuis les années 90 nous conduit dans une impasse. Ce modèle détruit de nombreux emplois dans la production et sur les territoires, et plus particulièrement sur les plus fragiles. Il nous faut repenser en profondeur la PAC, qui doit rester une politique commune pour toutes les agricultures européennes.

Nous sommes aujourd’hui confrontés à plusieurs défis: le défi alimentaire, le défi environnemental et climatique et le défi territorial.

Pour ce qui est du défi alimentaire, la PAC doit assurer en priorité la sécurité alimentaire des 500 millions de citoyens européens et donner à tous un accès à une alimentation suffisante en quantité et en qualité. La question de la santé humaine et de l’aspect nutritionnel doit être au cœur de la future réforme de la politique agricole commune. Un Européen sur deux a des soucis de surpoids ou d’obésité. Quant au cancer, les nouvelles formes de la maladie parmi les jeunes populations européennes, jeunes hommes ou jeunes femmes, surtout dans le milieu rural, ne peuvent pas nous laisser indifférents aux politiques que nous devons mettre en œuvre.

Le défi environnemental et climatique et le modèle productiviste nous montrent tous les jours leurs limites en matière de durabilité. Surtout, il est important de produire, mais de produire mieux en gérant de manière plus efficace et en protégeant mieux les ressources naturelles et la biodiversité, ce qui peut jouer un rôle positif pour le climat grâce aux sols. Cela suppose des mutations dans nos modes de production, qu’il faudra adapter à chaque région et à chaque écosystème.

Nous ne pouvons pas appréhender avec force le défi territorial. Il nous faut reterritorialiser l’agriculture. L’agriculture est une composante essentielle du développement des territoires ruraux et périurbains. Par ailleurs, ces territoires recèlent des ressources importantes permettant de diversifier les activités agricoles et sylvicoles. Il faut réinvestir dans les circuits courts, les économies circulaires et l’agriculture biologique.

Les réponses à ces défis amènent trois réponses particulières: une politique principale d’aide à l’installation des jeunes; une politique de régulation des marchés agricoles – il faut relégitimer les aides directes et cibler les petites et moyennes entreprises agricoles à l’échelle communautaire; une politique rurale développée qui rehausse l’ingénierie territoriale et, dans le domaine du commerce international, il faut réinvestir le marché européen.