Des dizaines, des centaines, des milliers de communiqués de presse vont circuler demain du fait des 60 ans du traité de Rome. Tantôt pour célébrer l’Union européenne, tantôt pour dire qu’il est temps d’arrêter, plus classiquement pour dire qu’il faut la changer.

Tous ceux qui reçoivent les communiqués de presse de la délégation socialiste française au Parlement européen connaissent notre attachement au projet européen, ainsi que les politiques européennes que nous soutenons car elles correspondent à nos valeurs, ou celles que nous dénonçons car elles sont le reflet d’une majorité de droite.

Aussi, prenons un peu de hauteur pour répondre à une question : qu’une construction politique âgée de 60 ans soit contestée, est-ce exceptionnel ?

En 987, Hugues Capet devient roi des Francs. Son autorité ne recouvre qu’un petit territoire, d’Orléans à Senlis en passant par Versailles ; et encore, il s’agit d’un territoire morcelé. 60 ans plus tard, sur le territoire de ce qui deviendra la France, il reste totalement contesté. Les différents duchés ne lui reconnaissent aucune légitimité. Il faut attendre 1214, la victoire de Bouvines, pour voir Philippe Auguste imposer sa légitimité, même si la souveraineté reste partagée sur plus de la moitié du territoire, sans parler des Anglais, qui, bien avant le Brexit, ont déjà un pied dedans, un pied dehors !

Un autre exemple : un peu moins d’un siècle après l’indépendance américaine, onze États du Sud lancent une guerre civile pour faire sécession des États-Unis. Là encore, la légitimité des décisions prises au niveau fédéral est contestée par plusieurs États.

Malgré ces crises de jeunesse dans ces deux grands pays, il ne viendrait à personne, aujourd’hui, l’idée de contester l’existence de la France ou des États-Unis.

Vous nous excuserez ce jeu de mots : Rome ne s’est pas construite en un jour. La France et les États-Unis non plus. Comment peut-il en être autrement de l’Union européenne ?

Malgré les noces de diamant, il est parfaitement normal d’un point de vue historique que la légitimité de l’Union européenne soit contestée. Elle est jeune, et n’est pas encore « naturelle » pour tout le monde.

Prenons de la hauteur encore : quels pays parviennent à s’affirmer dans la mondialisation ? Les puissances continentales – États-Unis, Russie, Chine, Inde, Brésil. Les Européens ont la capacité de peser dans le monde, s’ils sont unis.

Actuellement, nous assistons partout en Europe à une montée des nationalismes et à une contestation de la construction européenne. Cela d’autant plus que les identités se perdent ; de plus en plus, nous regardons les mêmes films ou séries, rions des mêmes spectacles, dansons sur les mêmes musiques, nous habillons de la même façon et mangeons la même nourriture. Cette tendance à l’uniformisation est là, il faut d’ailleurs en empêcher les excès et préserver toutes les cultures. Mais cette tendance lourde explique la poussée réactionnaire : quand l’originalité d’une société se délite, on affirme idéologiquement son identité.

Dans cette tempête nationaliste, parfois inquiétante, il faut garder l’optimisme de la volonté indispensable à ceux qui veulent bâtir un monde meilleur ! Joyeux anniversaire à tous !