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Billaud: Les Etats membres ne bloquent-ils pas l’Europe dans la crise en voulant généraliser les politiques de rigueur?

Absolument ! Des mécanismes de solidarité permanents sont désormais rendus possibles grâce à la modification du traité de Lisbonne qui s’est déroulée en mars par voie simplifiée. Ils pourraient accoucher d’embryons d’eurobonds permettant à l’UE de financer dettes souveraines et programmes d’investissements.

Malheureusement, la contrepartie exigée par la Troïka – les politiques d’austérité – est totalement absurde.

Ces politiques vont tuer la reprise et ne permettront même par de réduire l’endettement des États. Il faut certes lutter contre les déficits, qui ont été creusés par les baisses d’impôt massives réalisées au cours de ces dix dernières années, mais sans sacrifier les dépenses d’avenir.

Pour cela, les socialistes avaient proposé au Parlement européen, lors du débat sur le paquet gouvernance, de sortir les dépenses d’investissement du calcul des déficits. Les droites se sont malheureusement dressées contre cette proposition.

Oscar: Qu’arriverait-il aujourd’hui à la Grèce si la gouvernance économique décrite dans le paquet législatif existait ?

La Grèce devrait payer des amendes supplémentaires…

Guillaume: Les différentes crises monétaires qui tiraillent la Grèce, le Portugal.. et peut-être bientôt d’autres pays de l’UE ne reflètent-elles pas le besoin de plus en plus évident qu’une union monétaire ne peut être efficace sans réelle union politique, sans gouvernements nationaux ?

Oui. Dans une union monétaire où personne ne peut dévaluer pour régler ses problèmes de compétitivité, deux stratégies sont possibles.

La première consiste, pour les pays subissant un déficit extérieur, à baisser leurs salaires et réduire le périmètre de l’intervention publique et sociale. C’est la voie choisie par les tenants d’une gouvernance néo-libérale de l’Europe. La seconde, que nous défendons, consiste à développer les dépenses publiques communautaires pour financer la stratégie UE 2020 et à permettre à chaque État membre d’investir, en considérant que la seule stratégie de baisse des coûts est inefficace.

La stratégie néo-libérale est une stratégie à somme négative. Non seulement la baisse généralisée des salaires ne profitera à personne (puisque tout le monde est incité à réduire ses coûts), mais de plus, cela finira par casser la demande intérieure européenne et par provoquer une nouvelle récession, source de baisse des recettes fiscales…

Utilisateur: L’Europe et le FMI vont prêter de fortes sommes à la Grèce, contre son engagement de procéder à des réformes structurelles sérieuses. Faut-il mettre la Grèce sous tutelle pour s’assurer que les réformes seront menées à terme ?

La mise sous tutelle serait vécue par le peuple grec comme une mainmise autoritaire et anti-démocratique de la Commission sur les affaires de leur pays, eux qui considèrent déjà qu’ils n’ont pas voté, il n’y a pas si longtemps, pour cette politique.

Le véritable problème est que les politiques imposées à la Grèce en contrepartie des aides sont inappropriées pour créer de la croissance dans ce pays. C’est un vaste programme d’infrastructures que l’Union devrait mettre sur pied pour vraiment intégrer la Grèce en lui laissant le temps, dans ce cas, de décoller puis, ultérieurement, de rembourser sa dette. Cela suppose un rééchelonnement de la dette et un financement communautaire massif, engageant y compris la BCE.

Dans ces circonstances, une intégration accrue des décisions entre la Grèce et de l’Union seraient acceptables. Elles devraient inclure une coopération accrue en matière de recouvrement fiscal. Il s’agit d’un problème majeur si les créanciers souhaitent voir refluer leurs prêts à la Grèce. Malheureusement, les politiques recommandées n’ont rien à voir avec ce que je viens d’évoquer et qui n’a rien d’utopique. Il s’agit en quelque sorte de faire avec la Grèce ce que l’Allemagne de l’Ouest a fait, il y a peu, avec l’Allemagne de l’Est au moment de la réunification.

Utilisateur19: Ne faudrait il pas revisiter les statuts de la Banque Centrale Européenne ?

Utilisateur17: Selon vous, une réforme de la BCE est-elle nécessaire? Si oui, sur quoi devrait-elle se focaliser?

La BCE a largement outrepassé, sans le dire, les missions qui lui sont statutairement assignées.

Elle a évité une crise de crédit en injectant massivement des liquidité pour que les taux restent bas et soutiennent la croissance. Elle a racheté de la dette souveraine sur le marché secondaire. Il serait bon, pour que le signal soit clair aux yeux du monde économique, et notamment des marchés, que ses statuts soient mis en conformité avec ses pratiques. En particulier, on devrait lui permettre de racheter directement de la dette souveraine, comme le font la Banque d’Angleterre et la Banque fédérale américaine, en cas de tension sur les emprunts d’État. Cela représente la meilleure arme de dissuasion contre les primes de risques incongrues parfois exigées de façon cupide par les marchés.

Utilisateur13: Bonjour Monsieur le Député. L’Union a débloqué récemment plusieurs milliards d’Euros afin d’aider la Grèce. Ne pensez-vous pas que le problème vient de la monnaie unique ? Tous les pays ont-ils les moyens de supporter une monnaie aussi forte ?

Liêm Hoang-Ngoc: L’euro est certes surévalué. Son cours d’équilibre vis-à-vis du dollar se situerait autour de 1,17. Il est au-dessus de 1,40. Ce qui pénalise les entreprises européennes à l’exportation, mais aussi sur le marché intérieur où les marchandises produites dans les pays à bas coûts et vendus en dollar concurrencent nos producteurs.

Pour autant, la Grèce, comme nombre de pays de l’UE, exporte essentiellement sur le territoire européen. Son problème n’est, dans ce cas, pas tant le cours de l’euro vis-à-vis du dollar que le cours fictif de sa monnaie nationale vis-à-vis de l’euro si elle faisait le choix d’une sortie de l’euro pour rétablir son équilibre extérieur sans baisser ses salaires. Une sortie de l’euro pour dévaluer et gagner en compétitivité n’a d’intérêt pour la Grèce que si cela permet de relancer franchement sa croissance par l’exportation. Or la Grèce n’a « que » de l’huile d’olive et du tourisme à exporter… Cela suffit-il à fonder sa croissance future ? Il n’est pas sûr qu’une sortie de l’euro, pas plus qu’une austérité salariale dans l’euro (recommandée par la Troïka), soient les stratégies d’avenir pour la Grèce.

Utilisateur26: Bonjour, pensez-vous qu’il faille un impôt européen?

Oui car je suis fédéraliste et que je lutte contre le dumping fiscal. Ce chantier fait d’ailleurs partie de l’agenda prévu par la Commission. Je crains cependant que son commissaire ultra-libéral, M. Semeta, et le Parlement, où les droites font bloc sur les questions fiscales, ne retiennent le mauvais scénario d’harmonisation. Je fais allusion au chantier, en cours, de l’assiette consolidée de l’impôt sur les sociétés, où l’harmonisation des bases serait proposée, sans harmonisation des taux. Dès lors, les taux s’aligneraient vers les taux minimaux…

niang3: Monsieur le député, le vote prévu mercredi a été reporté. Pourquoi ? savez-vous quand il aura lieu ?

Le vote est reporté car les libéraux et les conservateurs (sauf ceux de l’UMP) tiennent à rendre les sanctions semi-automatiques pour les pays ne respectant pas les recommandations de la Commission.

Or la France a obtenu de l’Allemagne au Conseil que ce principe ne soit pas retenu. En contrepartie, elle a accepté de ne pas évoquer l’invitation faite (dans le texte du Parlement) à l’Allemagne, excédentaire, de relancer sa demande intérieure.

Or, en codécision, il faut un accord entre le PE et le Conseil à l’issue d’un trilogue avec la Commission pour que le vote ait lieu en première lecture. Les libéraux du Parlement veulent ce vote en première lecture mais entendent auparavant remettre en cause « l’accord » franco allemand au Conseil. Ils auraient pu choisir de voter le texte du Parlement, incluant un compromis défavorable aux socialistes (excluant notre proposition sur les investissements publics, incluant le problème de l’Allemagne mais aussi la quasi-automaticité des sanctions), et de jouer le bras de fer avec le Conseil pour faire valoir le rôle du Parlement. Cela aurait conduit à un vote en deuxième lecture avec une procédure s’étalant sur 2012-2013. Ils ont au contraire fait le choix d’un vote en première lecture, d’où ce dialogue de sourds entre la droite du Parlement, qui souhaite en réalité durcir les propositions de la Commission, et les chefs d’État et de Gouvernement de droite au Conseil, qui estiment qu’un texte trop dur compromet les possibilités de négociation avec la Commission si un Etat ne parvenait pas à respecter les rythmes de réduction de l’endettement et des déficits. Ce qui risque d’être le cas…

Le chat est maintenant terminé. Merci Liêm Hoang-Ngoc d’avoir accepté d’y participer. Nous vous laissons maintenant rejoindre Strasbourg où vous attend la dernière session plénière avant la pause estivale.

Merci pour vos questions. L’Europe est à la croisée des chemins. A très bientôt.

Merci à tous d’avoir participé à ce chat. Un compte-rendu de vos échanges avec Liêm Hoang-Ngoc sera très prochainement publié sur le Parlement européen en action. N’hésitez pas à laisser votre adresse mail pour être informé de sa publication.

Rendez-vous en septembre pour le prochain chat. D’ici là suivez toute la semaine en direct la session plénière que nous vous ferons vivre depuis Strasbourg !