S’appuyant sur les circonstances exceptionnelles mentionnées dans l’article 122-2 du Traité de Lisbonne, le Conseil Européen, la Commission et la BCE ont enfin transgressé deux tabous dans le traitement des attaques spéculatives en passe de se généraliser contre les Etats membres de la zone euro.
En premier lieu, ils ont enfin mis en œuvre des modes alternatifs de financement des dettes souveraines, qui permettent de soustraire les Etats à la pression des marchés sur lesquels ils se financent. Le Conseil a enfin autorisé la BCE, au mépris de ses statuts, à racheter une partie de la dette à taux quasi-nuls, comme le fit la Fed américaine il y a un an, à hauteur de 300 milliards de dollars, lorsque les taux sur les bons du trésor américains commençaient à se tendre.
En deuxième lieu, en créant un fond de stabilitsation, garanti par les Etats, ils ont enfin autorisé le financement par l’emprunt de la solidarité européennes, là où les textes interdisaient jusqu’alors de financer par l’emprunt les dépenses communautaires pour traiter les « chocs asymétriques ».
Ces deux évènements créent un précédent et dotent la zone euro de nouveaux instruments de gouvernance économique. Pour autant, les institutions européennes et le FMI persévèrent dans l’erreur en exigeant l’application de plans de rigueur drastiques, requis en contrepartie des aides. Alors que la reprise reste fragile, les politiques d’austérité, trompeusement appelées « politiques de sorties », imposées dans tous les pays européens, tueront celle-ci dans l’œuf. Le défaut d’activité amenuisera les recettes fiscales. Les déficits se creuseront, malgré les coupes budgétaires et les « réformes » des retraites, attisant à nouveau la spéculation des marchés contre un nombre croissant d’Etats membres. Les institutions européennes auraient au contraire dû décréter la suspension du pacte de stabilité, restructurer la dette grecque et donner le signal aux marchés que l’heure est à la poursuite des mesures de soutien à l’économie, mais en aucun cas à des plans de rigueur dont les objectifs ne seront atteints par aucun des Etats membres dans les horizons qui leur sont fixés.