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Au Parlement européen, mardi 28 juin – fait assez exceptionnel – la conférence des présidents était ouverte à tous les parlementaires.

 

Il faut dire que le sujet était d’entendre les conclusions du Conseil européen des 23 et 24 juin présentées par les présidents Von Rompuy et Barroso, réunion de Conseil dont les trois sujets majeurs étaient le paquet gouvernance économique, l’espace Schengen et le régime d’asile européen commun.

 

Après avoir lu les comptes rendus et écouté les journaux télé, après avoir décortiqué les communiqués de presse, après avoir écouté attentivement les prises de position au cours de cette conférence des présidents, les déclarations des uns et des autres donnent vraiment le sentiment que personne n’était à la même réunion !

 

Ainsi sur le paquet gouvernance, sait-on vraiment à la fin si Angela Merkel a dit oui à la symétrie (c’est-à-dire que les pays en excédent budgétaire seraient également sanctionnés) ? Sait-on si Nicolas Sarkozy a convaincu de la nécessité pour les banques privées de mettre la main à la poche ? Oui ou non ? Certainement quelqu’un le sait ; ou plus exactement plusieurs versions circulent.

Hermann Von Rompuy nous dit que cette réunion a été très productive, mais que peut-il nous dire des résultats réels, concluants, qui engagent vraiment vers une nouvelle gouvernance économique et, à un terme qu’on souhaite le plus court possible, vers une sortie de crise ?

 

Sur Schengen et la possibilité d’avoir de nouveaux motifs de rétablissement des frontières intérieures, d’un côté José Manuel Barroso insiste pour dire, roulements de tambour à l’appui, que la libre circulation est un acquis fondamental de la construction européenne, intouchable, quasi « sacré », mais dans le même temps, il parle d’un « nouveau mécanisme de fermeture des frontières », poussant jusqu’à dire qu’il renforcera la confiance mutuelle et que le vrai succès est que cette décision est remise dans une perspective réellement communautaire.

 

Alors, soyons clairs : en septembre, la Commission va-t-elle proposer de modifier l’acquis Schengen ou pas ? Et pour quels motifs ?

 

Sur l’asile, tout le monde se gargarise de « l’horizon-2012-et-la-concrétisation-d’un-régime-d’asileréellement-commun » ; on apprend même aujourd’hui que « les négociations sur le paquet asile sont au vert  » ce qui dans le jargon bruxellois, veut dire avancent. Première nouvelle ! Surtout quand dans le même temps on lit les contributions nationales de certains États membres sur le même sujet qui pourraient se résumer sommairement par « c’est non, non et non ! ». Qui dit vrai ?

 

Sur ces trois sujets majeurs, qui chacun, par leur titre et leurs objectifs, touchent soit à des méthodes de gouvernance communes soit à un ensemble de décisions cohérentes, j’ai plutôt le sentiment inverse de cacophonie ou d’hypocrisie, à moins qu’il ne s’agisse juste que d’une bataille de communication et d’interprétation, ce qui n’est évidemment pas à exclure.

 

Mais dans tous les cas, c’est un jeu dangereux pour les institutions européennes et par voie de conséquence pour l’Europe et ses citoyens qui ont besoin d’avoir les idées claires sur le sens qui est donné à leur avenir. Si une nouvelle gouvernance économique se solde exclusivement par des mesures unilatérales de contraintes, de plan d’austérité, de sanctions, comment ne pas voir que l’Europe ratera son objectif de cohésion ?

 

Si les enjeux de politique intérieure et électorale des Etats membres priment sur le renforcement de la libre circulation des personnes (notez bien que la libre circulation financière, elle, se porte à merveille !) et se soldent par un nouveau repli sur soi nationaliste et cocardier, comment voulez-vous faire croire à un grand ensemble continental cohérent et solidaire ? Et si les dispositifs de protection internationale, remparts contre les persécutions, se réduisent à des marchandages financiers, comment l’Europe pourra-t-elle se targuer d’être encore le continent de la protection des droits de l’homme ?

 

Dans ces trois domaines – et je crains qu’il y en ait d’autres – l’image donnée actuellement est celle d’institutions trop fragiles, trop peu sûres d’elles-mêmes, insuffisamment convaincues du sens de l’histoire. Et c’est très inquiétant pour notre avenir commun.