La commission des budgets a bloqué mardi une demande d’aide de 24,5 millions d’euros du Fonds européen d’ajustement à la mondialisation (FEM) de l’Union européenne déposée par l’Etat français pour le compte de Renault et 7 de ses filiales. Les Députés européens socialistes souhaitent obtenir des garanties supplémentaires sur la manière dont sont traités les travailleurs licenciés, notamment ceux  touchés par la réforme des retraites.

 

Directement mis en cause par un communiqué de presse des Députés représentant la Droite française au Parlement européen intitulé « Les socialistes français privent Renault et ses salariés d’une aide européenne de 24,5 M€ », Pervenche BERES, Présidente de la Commission « Emploi et Affaires sociales » du Parlement européen, Estelle GRELIER, membre de la Commission des Budgets, et Frédéric DAERDEN, eurodéputé belge également membre de ces deux commissions, souhaitent apporter les précisions et éléments de réponses suivants :

 

La prise de position de ces députés européens membres de l’UMP témoigne d’une méconnaissance inquiétante de ce dossier et des situations concrètes qu’il recouvre. Contrairement à ce qu’ils affirment, le blocage de cette subvention ne compromet aucunement les mesures d’aide à la formation et au retour à l’emploi en faveur des anciens salariés du constructeur automobile. En effet, ces actions ont déjà été réalisées. La demande de Renault vise simplement à se faire rembourser une partie des sommes engagées dans le cadre de son plan de départ volontaire de 2009 appelé « Plan Renault Volontariat » (PRV).

 

Nos collègues de l’UMP passent volontairement sous silence les tenants et les aboutissants ayant conduit à la situation de blocage qu’ils dénoncent.

 

Les raisons pour lesquelles nous avons rejeté cette demande ne sont pas du tout « obscures ». Elles sont au contraire extrêmement claires. Le point d’achoppement de ce dossier porte sur le traitement réservé aux anciens salariés seniors « bénéficiaires » du PRV, et concernés par la demande d’aide européenne, qui vont se retrouver à terme en difficulté du fait de la modification de la loi française sur les retraites imposée par la Droite. Ces situations problématiques ne concernent qu’une partie des 4445 travailleurs ayant accepté les dispositions de départ volontaires proposées par l’entreprise. Nous avons demandé à celle-ci de s’engager formellement à prendre les initiatives qui s’imposent, notamment au plan juridique et financier, pour permettre aux intéressés d’obtenir une retraite à taux plein, sans interruption de droit ni d’indemnités, en leur offrant la possibilité de bénéficier, le temps nécessaire à la réalisation de cet objectif, de mesures compensatrices et de dispenses d’activités.

 

Loin de répondre à notre demande, Renault s’est contenté de confirmer que des missions d’intérim leur seraient proposées en cas de besoin. Nous avons fait savoir à de multiples reprises que cette solution ne nous paraissait pas humainement acceptable. En effet, les salariés « seniors » ayant opté pour le PRV avaient à l’époque obtenu l’assurance que ce dispositif était synonyme d’une préretraite. Après des décennies de dur labeur et 2 à 3 années d’inactivité, reprendre le travail relève pour eux de l’ordre de l’inimaginable. Ces personnes sont victimes d’une double peine. D’une part, elles subissent les effets de la réforme des retraites postérieure au PRV ; d’autre part, elles ne disposent pas des possibilités de dispense d’emploi en lien avec la pénibilité offertes par la Convention sur la Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), conclue par Renault postérieurement à la réforme des retraites. En définitive, elles subissent donc les inconvénients, mais ne profitent pas des avantages induits par les modifications législatives, réglementaires et conventionnelles intervenues après la signature du PRV.

 

Nous n’avons eu de cesse de demander à l’entreprise d’assouplir sa position. Nous avons alerté son PDG et le ministre français du travail sur le fait que le vote aurait lieu à la majorité qualifiée, en les invitant à bien peser toutes les conséquences, financières, économiques, sociales et politiques d’un éventuel rejet. Nous avons clairement indiqué que sans règlement des situations problématiques portées à notre connaissance, nous ne pourrions envisager raisonnablement de voter pour le déblocage des fonds européens sollicités. Echanges informels, courriers officiels, conférence téléphonique, rencontre avec le groupe de travail de la Commission de l’Emploi et des affaires sociales et les représentants du collectif d’anciens salariés : rien n’y a fait. La position du groupe n’a pas varié d’un iota. En désespoir de cause, nous avons demandé à rencontrer le n°2 de Renault, M. TAVARES, à l’occasion de sa visite de terrain la semaine dernière à Sandouville. Nous avons en réponse reçu une nouvelle fin de non-recevoir.

 

Dans ce dossier, nous assumons pleinement la responsabilité du signal que le Parlement européen envoie au groupe Renault et au Gouvernement français. Nous ne pouvons que les encourager à revoir leur copie en tenant compte du message que leur a adressé la Commission des Budgets, sachant que la décision de rejet formulée par cette dernière est en tous points conforme à l’avis, soutenu par la Droite européenne, formulé antérieurement par la Commission de l’Emploi et des affaires sociales.

 

Dans un contexte de raréfaction de l’argent public et à l’heure où l’Union européenne envisage de diminuer de 75% l’enveloppe financière destinée à l’aide alimentaire aux plus démunis, nous ne pouvons pour notre part décemment pas accepter de débloquer une somme aussi importante (24,5 M€) sans avoir obtenu l’assurance préalable que certaines des personnes concernées par la demande soumise à l’UE n’auront pas à connaître la précarité dans les mois qui viennent.

 

Nous déplorons l’incohérence de nos collègues de l’UMP, notamment celle de Madame MORIN-CHARTIER, qui dénoncent aujourd’hui notre position après l’avoir soutenue en Commission de l’Emploi et des affaires sociales. Au final, ils ont préféré défendre les intérêts des actionnaires de Renault, plutôt que ceux de ses salariés.

 

Prochaines étapes

Après le blocage du transfert de crédits opéré par la Commission des budgets du Parlement, soit la Commission devra présenter une nouvelle proposition au Parlement et au Conseil, soit la question devra faire l’objet d’un trilogue entre le Parlement, la Commission et le Conseil.