Raphaël Glucksmann, co-Président de la délégation française du Groupe S&D, co-rapporteur sur le règlement EDIP
Dans un contexte de bascule historique, alors que nous sommes désormais seuls face à Poutine, le Parlement européen pose aujourd’hui la première pierre d’une défense européenne pleinement souveraine.
Alors que Donald Trump et JD Vance démontrent clairement qu’ils ne se sentent liés ni par la défense de l’Ukraine, ni par la sécurité des alliés européens, une évidence s’impose : l’Europe ne peut plus déléguer sa sécurité à une puissance étrangère.
Dépendante des États-Unis pour l’aide à l’Ukraine comme pour sa propre défense, l’Union vit aujourd’hui sous le chantage permanent de Trump.
Pendant ce temps, la Russie intensifie sa guerre d’agression et ses attaques hybrides sur notre continent et les chefs des services de sécurité européens, de Berlin à Paris, alertent sur le risque d’un affrontement direct avec Moscou avant la fin de la décennie.
Avec le programme européen pour l’industrie de défense (EDIP), l’Union prend enfin en main sa propre sécurité. Elle se dote d’un cadre clair pour financer, au niveau européen, la production et l’achat de matériel militaire. C’est un changement de paradigme, un vrai instrument européen de souveraineté :
- l’argent européen sera réservé aux productions européennes ;
- les décisions industrielles et stratégiques seront prises en Europe ;
- la priorité sera donnée aux entreprises qui produisent et emploient en Europe, sans dépendance technologique ou restriction extérieure.
Avec EDIP, une préférence européenne en matière de défense voit enfin le jour. C’est un instrument de souveraineté concret, pas un slogan. Il encourage aussi la coopération : planifier, investir, produire et acheter en commun plutôt que dupliquer les mêmes capacités derrière des frontières nationales.
EDIP organise également un partenariat stratégique avec l’Ukraine : l’instrument de soutien à l’Ukraine intégré au programme doit renforcer les liens entre notre base industrielle de défense et l’industrie ukrainienne, première ligne de protection de notre continent. Car défendre l’Ukraine, c’est défendre la sécurité européenne.
Mais ce premier pas reste un pas trop court face à l’ampleur de la menace. EDIP est un embryon de politique de défense commune, encore largement sous-financé. Le Conseil a refusé de lui donner les moyens à la hauteur des alertes de nos armées et de nos services de renseignement. Aussi, la délégation française du groupe S&D appelle à un renforcement rapide de cet instrument européen d’avenir, notamment par :
- un emprunt commun spécifiquement dédié à EDIP ;
- l’utilisation des avoirs publics russes gelés en Europe pour financer l’instrument de soutien à l’Ukraine.
Aujourd’hui, l’Union pose les fondations d’une Europe adulte, capable de se défendre elle-même. Reste désormais à briser le tabou des financements au Conseil : sans moyens, la souveraineté européenne restera un discours.