Pierre Larrouturou, au nom du groupe S&D. – Monsieur le Président, mes amis Johan, Monika, Eider et José Manuel l’ont dit: c’est un bon accord, c’est un bon budget dans le cadre très contraint qui est le nôtre. Nous avons bien travaillé, c’est le meilleur budget possible. Je remercie Rasmus et Clotilde, le Commissaire Oettinger et le Ministre Tiilikainen d’avoir négocié durement pour arriver à cet accord.

 

Au-delà de ce budget annuel, je pense néanmoins qu’en fait, nous nous posons tous les mêmes questions. Quelle est vraiment notre ambition pour l’Europe ? Quelle est vraiment notre ambition pour notre avenir et celui de nos enfants? Si nous avions une grande ambition, nous aurions un grand budget. Quand Kennedy déclara «Nous irons sur la Lune» (We choose to go to the Moon), il l’a vraiment décidé et il y met le budget. Le budget de la NASA a ainsi été multiplié par quinze en cinq ans, 400 000 emplois ont été créés et les États-Unis ont gagné la Lune plus vite que prévu. Aujourd’hui, le but n’est pas d’aller sur la Lune mais de sauver la Terre, au moins de sauver l’humanité sur Terre, et nous savons tous que ce budget est totalement insuffisant.

 

Nous parlons tous du Green New Deal par allusion au New Deal de Roosevelt, c’est une très belle image. Mais quand Roosevelt arrive au pouvoir, il se donne les moyens d’un vrai New Deal qui va créer des millions d’emplois et rendre l’espoir au peuple américain. Roosevelt multiplie par trois le budget fédéral en quelques années et cela fonctionne. En quelques années, pour gagner la guerre, Roosevelt va encore multiplier l’ensemble du budget fédéral par quatre. Au total, alors que Roosevelt était vieux et paralysé, le budget fédéral sera multiplié par douze. Il le finance d’abord par la fiscalité – la fiscalité sur les plus riches et sur les bénéfices – puis par une autre utilisation de la création monétaire. Kennedy et Roosevelt étaient-ils fous? Ont-ils ruiné les États-Unis? Bien sûr que non. Ils étaient de grands dirigeants qui avaient un vrai projet pour leur pays et s’étaient donnés les moyens de briser les tabous et de trouver des financements. Ils n’ont fait aucun mal à leur pays; au contraire, ils ont ravivé l’espoir de millions de gens.

 

Aujourd’hui, en Europe, qu’attendons-nous? Encore une fois, ce budget est bon dans le cadre des contraintes, et le groupe social-démocrate se réjouit de le voter. Mais il faut aller plus loin. Pour gagner la bataille du climat dont nous avons tous parlé, la Commission européenne dit elle-même qu’il manque 300 milliards chaque année si nous nous en tenons à l’objectif de réduction de seulement 40 % des émissions de CO2. Mais puisque notre objectif – grâce à Ursula von der Leyen – est plus ambitieux, puisque nous sommes tous d’accord pour diviser par deux les émissions de CO2 dans les dix ans qui viennent, le besoin de financement est évidemment nécessaire. Il manque au moins, chaque année, 400 milliards pour gagner la bataille du climat. Nous applaudissons la Banque européenne d’investissement, qui dit qu’elle va stopper les investissements fossiles et doubler ses prêts au climat, c’est très bien. Mais cela ne représente que 15 milliards de plus chaque année, alors qu’il en faut 400.

 

Chers amis, je pense donc qu’il faut absolument trouver de nouveaux moyens. J’espère que c’est la dernière année que nous votons dans un cadre aussi contraint. Rien ne serait pire qu’un Green Deal sans vrai financement, ce serait du Green washing. Rien ne serait pire qu’un Green Deal avec des financements injustes. Nous aurions alors des milliers, voire des millions de gilets jaunes aux quatre coins de l’Europe.

 

Il faut absolument et très rapidement trouver des financements beaucoup plus ambitieux et très justes. Pourquoi ne pas reprendre l’idée de Jacques Delors? Ce dernier disait qu’il fallait lutter contre la concurrence fiscale intra-européenne. Quand j’étais enfant, l’impôt sur les bénéfices était en moyenne à 45 %. Aujourd’hui, il est tombé à 19 %. L’impôt sur les bénéfices a été divisé par deux alors que, au contraire, les bénéfices explosent.

 

Si nous voulons avoir un budget plus important sans demander plus d’argent aux citoyens de base et aux États membres, il est temps d’avancer très vite au sujet des ressources propres.